Projet de loi de Santé : le renoncement au tiers payant généralisé est non négociable

02 Fév 2015

Source : jim.fr

Projet de loi de Santé : le renoncement au tiers payant généralisé est non négociable

Paris, le samedi 24 janvier 2015 – La semaine a été marquée par l’annonce par le ministre de la Santé de l’installation de quatre groupes de concertation autour de la future loi de santé. Une main tendue jugée totalement insuffisante par les syndicats, en raison de l’absence de renoncement à la généralisation du tiers payant et d’engagements clairs sur les honoraires. Dès lors, les syndicats ont appelé à de nouvelles actions. Une désunion semble cependant se faire jour entre les organisations.

Pourtant, selon le président d’Union généraliste, Claude Bronner qui nous livre une analyse de la contestation en cours, un front commun est indispensable pour faire céder Marisol Touraine. Le conflit promet en effet d’être long tant la détermination de Marisol Touraine paraît grande. Pourtant, Claude Bronner le martèle une nouvelle fois : le renoncement à la généralisation du tiers payant est la seule issue possible du conflit et la seule façon pour Marisol Touraine d’espérer voir le reste de son projet mener à bien, même si celui-ci comporte de nombreux autres défauts. Analyse à lire.

Par le docteur Claude Bronner, président d’Union Généraliste *

Chaque Président de la République, chaque ministre de la Santé veut sa loi dans le domaine de la Santé.
François Hollande et Marisol Touraine n’y ont pas fait exception.
Et nous voilà partis dans un de ces psychodrames dont la France a le secret avec une réforme qui se veut majeure (et populaire !) : le tiers payant généralisé en 2017.
Inscrit au programme du candidat, la proposition se concrétise à l’automne 2013, soulevant un tollé chez les médecins concernés.

Des motifs de désaccord multiples

Le vécu de l’envahissement administratif, la charge de travail de plus en plus lourde pour des rémunérations qui ne les compensent pas et ne donnent pas les moyens d’embaucher de l’aide ont fait monter la tension. La crainte d’une mainmise des ARS sur le quotidien des médecins dont rêvent politiques et gestionnaires depuis des éternités, la fin de nombreuses prérogatives des médecins au profit d’autres professions dont le symbole est la vaccination par les pharmaciens, la fin des dépassements d’honoraires dans les cliniques qui voudraient continuer à participer au service public, des entorses redoutables au secret médical, la mise sous tutelle d’Etat renforcée des négociations conventionnelles, un rôle accru des complémentaires compliquant un système déjà ingérable et enfin l’absence totale dans le discours ministériel de perspective d’évolution des honoraires médicaux parmi les plus faibles des pays développés ont renforcé le ras le bol.

Même un tiers payant idéal serait rejeté par les médecins

Mais c’est le tiers payant qui a cristallisé le malaise : il faut revoir les résultats détaillés d’une enquête sur ce sujet réalisée par la FMF en octobre 2013 (1) pour comprendre le traumatisme de ce « projet de loi d’accès aux soins, de justice sociale qui répond aux attentes des Français, qui a recueilli des avis favorables d’un grand nombre d’acteurs du champ social et de la santé…mais suscite des craintes ou des incompréhensions de la part de nombreux médecins libéraux, relayées par les organisations syndicales de la profession » selon les propres termes de la Ministre (2).

Une thèse (3) de fin 2014 analysant les résultats du questionnaire et les commentaires (4) éclaire les causes (multiples) du malaise.
Alors que 30 % environ des actes des médecins sont en tiers payant, bien au delà du minimum légal (CMU, accidents du travail, actes d’urgence…), la volonté d’une généralisation est rejetée par 83,2 % des 4208 répondants qui sont encore 60,5 % si tous les problèmes techniques étaient résolus dans un tiers payant idéal auquel les médecins ne croient pas malgré les promesses ministérielles.

Un pouvoir qui campe sur ses positions dogmatiques en dépit de l’ampleur de l’opposition

Devant une opposition de cette ampleur, le politique raisonnable aurait dû s’interroger.
Mais la déraison et le dogmatisme l’ont emporté et le plus important mouvement de protestation des médecins depuis très longtemps a pris forme en décembre 2014 : fermeture d’une ampleur jamais vue des cabinets médicaux, puis grève de la télétransmission un peu douchée par les terribles attentats de janvier 2015. Mais comme la Ministre reste ferme sur sa position sur le tiers payant et a l’intention de passer sa loi avec un peu de retard en avril, le mouvement va repartir jusqu’à ce qu’elle cède au moins sur ce sujet, sans parler de la contestation tarifaire qui va s’installer malgré l’annonce d’élections professionnelles fin 2015 en vue d’une nouvelle Convention en 2016.

Une unité syndicale indispensable

Les syndicats médicaux rechignent plutôt à parler d’une voix commune pour organiser l’action, mais la base a du mal à le comprendre et pousse à l’unité syndicale pour obtenir satisfaction. Et elle se met en place vaille que vaille : pas le choix, les diviseurs le paieront aux élections professionnelles. La FMF s’est ainsi donnée pour objectif de pousser au maximum à cette unité et ça marche souvent. Disons le sans ambages, elle seule permettra de faire reculer le gouvernement. Comment ? Peu importent les moyens, pourvu qu’ils soient relayés par tous. Les journées de fermeture permettent de médiatiser le ras le bol. Les manifestations, l’agitation récurrente déstabilisent le secteur. La grève de la télétransmission prend à la gorge des caisses qui ont largement demandé aux professionnels de lui simplifier sa gestion et seront incapables de supporter l’encombrement de quelques % de feuilles papier supplémentaires.

Le tiers payant, la clé du conflit

Les médecins veulent qu’on les respecte et les respecter, c’est ne pas les prendre de front.
Entre une Ministre qui espère passer entre les gouttes et des syndicats condamnés à s’entendre pour proposer des actions (grève administrative plus large, pétitions des patients toujours redoutées des élus, actions sur les prescriptions, manifestations physiques…), le bras de fer, un temps éclipsé par l’actualité continue avec des avancées réelles dans l’organisation des négociations, mais pas la moindre concession sur l’essentiel : le report d’une loi sans intérêt et l’abandon de la généralisation du tiers payant. En effet, même si ce n’est pas le seul sujet, et sans doute même pas le plus important, seule l’annonce du renoncement au tiers payant généralisé a une chance d’apporter la sérénité indispensable à une vraie réforme pourtant incontournable et déjà assez difficile à mener sans cette épine.
Combien de temps encore Marisol Touraine va t-elle tenir ?
Les paris sont ouverts.

*Médecin Généraliste, président d’Union Généraliste, les généralistes de la FMF (Fédération des Médecins de France), représentative pour les médecins généralistes.

RÉFÉRENCES
(1) Résultats d’une enquête FMF d’octobre 2013 sur le tiers payant :
http://www.apima.org/img_bronner/Resultats_enquete_Tiers_payant_octobre_2013.pdf

(2) Lettre de cadrage de la Ministre de la Santé (20 janvier 2015) :
http://www.apima.org/img_bronner/150120_Touraine_lettre_cadrage.pdf

(3) Thèse sur le tiers payant issue de l’enquête de décembre 2013 :
http://www.apima.org/img_bronner/These_tiers_payant_Amar_Julien_reduit.pdf

(4) Commentaires de l’enquête de décembre 2013 sur le tiers payant :
http://www.apima.org/img_bronner/resultats_tiers_payant_Commentaires.pdf
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